2.   LE SYSTEME D’ADMINISTRATION COLONIALE

Crée en 1895, La Fédération d’Afrique Occidentale Française (A.O.F. : 4700000 km², 16 millions d’habitants) comprend sept colonies : Sénégal, Mauritanie, Soudan français, Niger, Guinée, Côte d’Ivoire, Dahomey). La capitale fédérale, Dakar, a été détachée du Sénégal, pour former une circonscription à part.

2.1.  Le gouvernement central : la gestion des colonies

1. Le ministère des colonies fut crée en 1894 en même temps que l’Ecole coloniale. Le ministre  est le chef hiérarchique des gouverneurs. C’est un homme politique qui change fréquemment ; les bureaux en partie composé de fonctionnaires d’Outre Mer, dirigent les affaires, en liaison avec les gouverneurs. C’est une administration spécialisée bien au courant des problèmes, soucieuse avant tout d’éviter “ les histoires ”, n’ayant guère de vues d’avenir

2. Les inspecteurs des colonies sont ses agents de contrôle, en missions temporaires. Les colonies africaines n’ont qu’un député au Parlement, élu par les quatre communes du Sénégal(la Réunion a deux députés et un sénateur)

3. Le “ Conseil Supérieur des colonies ”, élu par les citoyens, c’est à dire essentiellement par les blancs n’est qu’un organisme consultatif, sans pouvoir, ni prestige. Le parlement ne s’intéresse pas aux colonies, sauf à l’occasion de scandales pour attaquer le gouvernement. La législation coloniale, toujours régit par le sénatus consulte napoléonien de 1854, est faite par décret du Président de la République, préparés par le ministre des colonies, le plus souvent sur proposition ou après l’avis des gouverneurs.

4. Les finances locales échappent aussi au Parlement, sauf le budget très médiocre du ministère des colonies. La loi des finances de 1900 a posé le principe de l’autonomie financière des colonies, c’est à dire celles ci devront payer leurs propres dépenses, sauf celles de l’armée. Il fallait prouver aux électeurs français que les colonies ne coûtaient rien. Après la guerre de 1914, Albert Sarraut proposa un plan : “ La mise en valeur des colonies françaises ”, à exécuter par des emprunts des colonies garanties par la métropole. Le plan ne fut que partiellement réalisé, mais les emprunts permirent aux colonies de développer leur infrastructure.

En même temps qu’elle s’installe, la France met progressivement en place un système efficace d’administration qui couvre tout le territoire. Il est centralisé. Il vise l’exercice effectif de l’autorité française sur les populations ivoiriennes et son renforcement.

2.2.  La mise en place de l’administration française en Côte d’Ivoire

Avant 1893, les établissements français d’Assinie et de Grand Bassam dépendent tantôt de la colonie du Sénégal, tantôt des Rivières du Sud (Guinée). La France y désigne un résident : Arthur Verdier, puis Treich-Laplène. L’administration en place ne concerne que les habitants de ces établissements. Elle s’occupe de faire respecter les traités de protectorat signés par les populations locales avec la France (Sanwi). En 1893, la Côte d’Ivoire est une colonie autonome. Elle a son premier gouverneur : Louis Gustave Binger. Les limites de la nouvelle colonie furent fixées en 1898 avec la Gold Coast, en 1907 avec le Libéria. Les pays du Nord ( Odienné, Kong, Bouna) avaient été détachés du Soudan et rattachés à la Côte d’Ivoire en 1899, après l’élimination de Samori. Jusqu’à la fin des résistances militaires, la France ne contrôle qu’une partie du territoire. La colonie est divisée en grandes circonscriptions dont les chefs lieux sont les postes créés au moment de la conquête. Sa capitale est d’abord Grand Bassam entre 1893 et 1900, puis Bingerville, de 1900 à 1934, enfin Abidjan à partir de 1934.

2.2.1. Grand Bassam

En 1893, Grand Bassam fut choisi pour devenir le chef lieu de la colonie. Binger, premier gouverneur, s’y installa la même année. Il héritait d’un poste de douane dynamique puisque Grand Bassam ,en 1895, était devenu le principal centre de commerce français de l’huile de palme. Beaucoup de firmes internationale s’y installent, ainsi que des sociétés bancaires, en 1897 un wharf de 223m de long, doté de quatre grues, et relié aux grandes maisons par des voies Decauville.

2.2.1.1.           Le développement de la ville

Comme toutes les villes coloniales, la ville de Grand Bassam était composée de plusieurs quartiers bien distincts. C’était : le quartier administratif au centre, caractérisé par de grandes parcelles ; à l’Est, le quartier du commerce. Dans celui ci, les parcelles sont de deux types : les grandes compagnies européennes, implantées les premières, avaient obtenu d’immenses terrains ; Les petits commerçants s’installaient plus modestement sur des parcelles moins grandes ; on y trouvait des Libanais, des Européens et des Africains.

2.2.1.2.           Les batiments administratifs de Grand Bassam :

*    Le palais du gouvereur : revêt un intérêt particulier parce qu’il fut le siège du premier gouvernement dans la capitale de la nouvelle colonie

*    Le palais de justice : construit en 1911, ce bâtiment abritait le tribunal de première instance. Il était le principal centre d’administration de la justice en Côte d’Ivoire.

2.2.1.3.           Les équipements publics et privés

*    La mairie.

*    Western Telegraph Company.

*    Banque de l’Afrique de l’Ouest.

*    Poste et douane : furent installées dès 1894.

*    Hôpital : construit en 1905, puis remplacé en 1918..

*    Cercle de l’Union : fut construit vers 1910, ce bâtiment faisait partie d’un ensemble d’aménagements destinés aux loisirs de la société coloniale.

*    Eglise et presbytère .

*    Le marché.

*    Chambre de commerce : 1894.

Bassam contenait aussi un quartier commerçant, un quartier résidentiel et un village.

A la suite de trois épidémies de fièvre jaune qui avait décimé la population européenne de la ville en 1863, 1898, 1899, l’administration s’implanta dans un lieu plus salubre : Bingerville.

2.2.2. Bingerville

La Côte d’Ivoire avait désormais deux capitales, l’une administrative, Bingerville, et l’autre commerciale, Grand Bassam.. Mais les autorités avaient déjà commencé les chantiers d’Abidjan, Bingerville était donc condamné à rester un tout petit centre administratif.

Ainsi Bingerville n’a que peu de bâtiments :

*    La résidence du gouverneur, achevé en 1913.

*    Hôpital, construit entre 1905 et 1907

*    Le lycée de garçons : crée en 1903, c’était la première école d’enseignement supérieur de la colonie.

*    Les bureaux de la sous préfecture : construits vers 1910 , le bâtiment servit à l’origine de palais de justice.

2.2.3. Abidjan

Le 28 novembre 1920, le conseil du gouvernement de l’A.O.F. admit le principe de faire d’Abidjan la capitale du pays, elle ne le devint réellement que le 1er juillet 1934, après la réalisation d’un important programme de constructions :

*    Le quartier administratif était au Sud Ouest

*    Le quartier de la R.A.N. occupe un immense terrain sur le côté Ouest. La puissante Régie Abidjan Niger, chargée de la construction du chemin de fer avait édifié non seulement des bâtiments techniques, mais aussi des logements de fonction pour son personnel

*   Le quartier du commerce

*    Sur toute la moitié Est du Plateau, il y avait quelques beaux bâtiments comme l’Imprimerie Nationale ou la mission protestante.

*    Tout à fait au Nord se trouvent les camps militaires et la gendarmerie

Les principaux bâtiments administratifs se composaient :

*    du palais du gouverneur,

*    de l’habitation du Secrétaire général,

*    du Secrétariat général et les Finances,

*    du Cabinet et des Archives,

*    du Trésor

Nous ne nous attarderons pas sur Abidjan, qui fut la plus développé de ces capitales puisqu’elle reste encore aujourd’hui capitale économique du pays.

De 1908 à 1920, pour répondre aux nécessités de la conquête, une administration civile est mise en place dans les régions soumises et militaire dans les zones non encore soumises. A partir de 1920, le système d’administration est presque définitif. Depuis 1904, la Côte d’Ivoire fait partie du groupe des colonies de l’AOF (Afrique Occidentale Française). En 1932, elle s’agrandit d’une partie de l’actuel Burkina (Haute Côte d’Ivoire).

2.3.  Le fonctionnement du système d’administration.

Dirigée par un gouverneur, la colonie est subdivisée en diverses circonscriptions :

*    cercles,

*    subdivisions,

*    cantons,

*    villages.

2.3.1. Le gouverneur et son équipe

L’organisation administrative est pyramidale. Au sommet de la hiérarchie se trouve le gouverneur. Placé sous l’autorité du gouverneur général de l’AOF, il est le “ dépositaire des pouvoirs de la République ”, il est le chef de toute l’administration de la colonie (justice, finances, enseignement, santé, ...). :

*    Il promulgue les décrets.

*    Il peut prendre des arrêtés.

*    Il peut nouer des relations diplomatiques avec les pays voisins, expulser les étrangers.

*    Il peut interner les personnes dangereuses.

*    Il est responsable de la défense.

Le gouverneur est nommé par décret et recruté parmi les administrateurs du plus haut grade. Sous ses ordres, un secrétaire général dirige les bureaux et le remplace en cas d’absence.

Il est assisté, aussi, d’un conseil consultatif, le conseil d’administration, composé en majorité de hauts fonctionnaires, avec quelques notables blancs et noirs nommé par lui, qui l’assiste pour approuver certains actes administratifs.

2.3.2. L’administration des subdivisions.

Les colonies sont divisées en circonscriptions (cercles)  et celles ci en subdivisions, toutes tenues par les administrateurs des colonies. Le chef de subdivision dépend du chef de circonscription, et celui ci du gouverneur. L’administrateur remplit dans son territoire, toutes les fonctions :

*    représentant de l’autorité

*    responsable de l’ordre

*    chef de milice

*    juge

*    il fait le recensement, la perception des impôts

*    il s’occupe des domaines

*    il fait construire les routes, les ponts, les bâtiments

*    il veille aux marchés, à l’urbanisme, au progrès de l’agriculture et de l’élevage, à la protection des forêts, à la bonne tenue des villages, au développement des écoles et de l’assistance médicale.

*    Il est le chef des indigènes, règle leurs contestations, représente leur collectivité

*    il est aussi le premier des européens, veille au recrutement et au bon emploi de la main-d’oeuvre.

Il a tous les pouvoirs; rien ne peut se faire sans son aide et son autorisation.

L’administrateur du cercle, ou “ commandant de cercle ”, représente le gouverneur dans sa circonscription. Les chefs de subdivision dépendent de l’administrateur de cercle. Dans l’exercice de leurs fonction, les chefs de subdivision s’appuient sur les chefs de village.

Il existe une administration indigène, mais celle ci est étroitement subordonnée aux administrateurs. Les chefs de canton sont désignés par l’autorité, soit, dans les anarchies , parmi les notables (peu influents), soit, dans les chefferies, le plus souvent au sein de la famille du chef et suivant les règles coutumières, ce sont des agents d’exécutions de l’administration française. Ils sont souvent nommés, toujours remplacés par les autorités françaises s’ils ne donnent pas satisfaction. D’autres auxiliaires participent à la mise en oeuvre de la politique du colonisateur. Ce sont les fonctionnaires. Jusqu’en 1956, tous leurs responsable sont des Français. Ce système est celui en vigueur dans les colonies d’administration directe. Il reste en place avec quelques modifications jusqu’en 1960.

2.4.  Les relations entre l’administration coloniale et les administrés

La population est constituée de deux groupes juridiques :

1.    Les citoyens français soumis au Code civil et aux juridictions françaises

2.    Les sujets français, c’est à dire tous les indigènes non citoyens. Ils gardaient leurs coutumes juridiques (“ statut personnel ”) et étaient soumis à la justice indigène, présidée par les administrateurs. De plus leurs libertés étaient soumises à contrôle : autorisations pour les déplacements à longue distance : code de l’indigénat, c’est à dire peines de simple police (cinq jours de prison ou 100 francs d’amende) infligée directement par l’administrateur pour certaines infractions (le non paiement de l’impôt et le non accomplissement des prestations étant les principales) ; prestations : impôt en nature (dix jours par an ), surtout pour les travaux des routes ; réquisitions en cas de calamité ou même de besoin pressant. Le travail, dans ces derniers cas, était payé, mais le principe du travail forcé donnait lieu à des abus, surtout dans les régions de grandes plantations manquant de main d’oeuvre. Les obligations militaires s’appliquaient aux deux catégories, citoyens et sujets.

L’administré de Côte d’Ivoire est donc soumis à l’administration. Plusieurs éléments caractérisent ces liens de subordination :

*    L’imposition (impôt de capitation ou par tête).

*    La prestation gratuite ou travail obligatoire.

*    Le service militaire obligatoire.

*    L’application du code de l’indigénat.

*    La justice indigène.

En contre partie, l’administration est chargée :

*    D’élaborer la politique de mise en valeur du territoire.

*    De mettre en place des services sociaux (écoles, hôpitaux).

*    De garantir, avec les forces de l’ordre la liberté de circulation des biens et des personnes.

Dans les faits et jusqu’en 1945, l’administration coloniale met l’accent sur l’obéissance des colonisés et l’exploitation économique de la colonie en s’appuyant sur les chefs de provinces, de cantons et et de villages

 de villages.

*    De garantir, avec les forces de l’ordre la liberté de circulation des biens et des personnes.

Dans les faits et jusqu’en 1945, l’administration coloniale met l’accent sur l’obéissance des colonisés et l’exploitation économique de la colonie en s’appuyant sur les chefs de provinces, de cantons et de villages.

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1. L’IMPERIALISME EUROPEEN AU XIX ème SIECLE ET LES RESISTANCES A LA CONQUETE COLONIALE.

2. LE SYSTEME D’ADMINISTRATION COLONIALE    

3. L’EXPLOITATION ECONOMIQUE DE LA COLONIE ET LES RESISTANCES A LA COLONISATION

BIBLIOGRAPHIE     

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